Une décision d’une rare virulence
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe s’est prononcée sur la validité des rachats de dettes souveraines mis en œuvre depuis 2015 par la BCE pour soutenir la zone euro, un ultimatum inattendu en pleine pandémie. Plus précisément, la justice allemande exhorte l’institution de démontrer d’ici le mois d’août les effets positifs de son programme de rachat de dette publique. Pour rappel, la BCE a injecté 2 600 milliards d’euros sur les marchés entre mars 2015 et décembre 2018, dont 2 200 milliards d’euros ont servi à racheter des obligations publiques.
Si la BCE ne fournit pas d’explications dans le délai imparti, la Banque centrale allemande, la Bundesbank, se verra interdire de participer aux rachats de dette publique. Il s’agit d’une décision d’une rare virulence, selon plusieurs observateurs qui sont opposés à ce que l’institut monétaire indépendant apporte une réponse au juge allemand.
Le tribunal allemand explique n’avoir pas pu établir de violation par la BCE de l’interdiction qui lui est faite de financer directement les États européens. Il juge néanmoins « douteuse » sa capacité de racheter massivement la dette publique dans le cadre de « l’assouplissement quantitatif » réactivé en novembre 2019.
La Commission européenne envisage des sanctions contre l’Allemagne
Suite à cet arrêt rendu par la Cour suprême allemande, la Commission européenne a évoqué la possibilité d’une procédure d’infraction contre l’Allemagne. L’enjeu est colossal pour Bruxelles qui doit à la fois préserver la politique monétaire tout en faisant respecter l’indépendance de la BCE et en défendant la primauté du droit européen sur le droit national. Le jugement allemand n’est pas passé inaperçu dans certains pays et notamment en Pologne. Le chef du gouvernement polonais a ainsi salué la décision de la Cour constitutionnelle comme « l’un des jugements les plus importants de l’histoire de l’UE », dans une tribune publiée le 10 mai dans un quotidien allemand.
La CJUE a rappelé dans un communiqué de presse qu’elle était seule compétente pour constater qu’un acte d’une institution européenne est contraire ou non au droit européen. La Cour du Luxembourg a ajouté que des divergences entre les juridictions des États membres quant à la validité de ce type d’acte pourraient « compromettre l’unité de l’ordre juridique de l’Union » et « porter atteinte à la sécurité juridique ». Reste à savoir si la Commission européenne mettra ses menaces à exécution en sanctionnant l’Allemagne dans les prochaines semaines.