Des soupçons de fraude
Greensill, fondée à Londres en 2011, est spécialisée dans le financement des délais de paiement, dans un schéma appelé l’affacturage inversé. Concrètement, la société propose à ses entreprises clientes de payer leurs factures fournisseur à leur place. Elle est alors propriétaire des créances, les transforme en titres financiers avant de les revendre à des investisseurs intéressés par des rendements élevés à court terme. Autrement dit, Greensill applique le principe de la titrisation, à l’origine de la crise des Subprimes en 2008.
Le modèle de la société financière repose intégralement sur la capacité des assureurs à couvrir le risque de défaut de paiement de ses clients. Par conséquent, si les assureurs amplifient le risque et commencent à émettre des doutes sur la qualité des titres de dette, la chaîne de confiance se brise mettant en péril Greensill. C’est ce qui s’est passé en mars lorsqu’un assureur a refusé de renouveler sa couverture de transactions. Cette décision a généré des soupçons de fraude et des doutes sur la valorisation de ses actifs. D’autres assureurs ont suivi le pas entraînant la faillite du spécialiste dans les prêts à court terme.
Les victimes collatérales de la faillite de Greensill
L’affaire Greensill a eu des répercussions sur d’autres sociétés et notamment sur Aigis Banca qui avait acheté plusieurs de ses produits d’investissement. L’entreprise a été placée en liquidation sur demande du Trésor italien. La banque Ifis, basée à Venise, a racheté ses actifs pour un euro symbolique. Elle récupèrera au total près de 300 millions de crédits aux entreprises, 135 millions d’euros d’obligations souveraines et 440 millions d’euros de dépôts. Pour s’assurer du bon déroulement de la transaction et garantir l’argent des clients, le fonds italien de garantie des dépôts va également verser 49 millions d’euros. Ainsi, si la chute de Aigis Banca ne fait pas peser de risque particulier sur le système bancaire italien, elle montre néanmoins la déflagration causée par Greensill.
La banque italienne n’est pas la seule victime dans cette affaire. L’équilibre de CFG, le géant de l’acier, qui était largement financé par Greensill, est menacé, tout comme l’avenir de certaines filiales comme Ascovale et Hayange en France. En effet, Liberty Steel affirme être en quête de repreneurs pour sa scierie située à Saint-Saulve et son usine de rails basée en Moselle. Outre Liberty Steel, la faillite de Greensill a mis en difficulté d’autres activités du groupe Sanjeev Gupta. Les trois équipementiers automobiles du groupe Alvance ont par exemple été placés en liquidation judiciaire en avril. Alvance Poitou Fonte, Alvance Aluminium Poitou et Aluminium Wheels totalisent près de 850 salariés.
La faillite de Greensill a donc secoué de nombreuses entreprises dans le monde et eu des conséquences politiques.