5 marqueurs de la transformation du marché de la dette d’entreprises

Le marché des émissions d'obligations d'entreprise est en pleine métamorphose. La guerre en Ukraine, la hausse des taux, la progression de l’inflation et la fin du soutien de la Banque centrale européenne incitent les investisseurs à faire preuve de prudence. Voici 5 signes de la transformation en cours du marché de la dette d’entreprises.

1. La hausse des coûts de financement

La hausse des taux s’accompagne d’un autre phénomène depuis quelques mois : l’augmentation des spreads des États membres de la zone euro, à savoir l’écart entre les taux d’intérêt des obligations à 10 ans de l’Allemagne, qui sert de référence pour l’ensemble du marché européen de la dette d’entreprises, et les taux d’intérêt des obligations des autres pays.

Si l’écartement du spread reste limité pour la France, avec un écart de 0,2 point de pourcentage par rapport à l’Allemagne, ce n’est pas le cas des pays du sud de l’Europe comme Chypre, le Portugal, l’Italie, l’Espagne et la Grèce. Les investisseurs réclament des taux d’intérêt beaucoup plus élevés pour faire face à un risque plus important, ce qui creuse l’écart avec le taux allemand.

Conséquence : les coûts de financement ont augmenté de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d’euros, touchant tous les emprunteurs dans des proportions variables selon leur note de crédit. Ainsi, pour un émetteur noté A, le coupon d’obligation est passé à 2,25 % contre 0,5 % en octobre dernier, et pour un émetteur noté BBB, le coupon est passé à 2,875 % contre 0,5 %.

2. Le raccourcissement des durées d’emprunt

Plus prudents que par le passé, les investisseurs ne veulent désormais plus prendre le risque de la durée, et se désintéressent des obligations à long terme. En moyenne, la maturité des émissions est de 7,3 ans.

Les obligations sont considérées comme étant à court terme lorsque leur durée de vie est inférieure à 5 ans. Entre 5 et 12 ans, on parle d’obligations à moyen terme. Lorsque l’échéance est supérieure à 12 ans, il s’agit d’obligations à long terme.

Il existe également des obligations souveraines à très long terme : en 2019, l’Argentine avait ainsi emprunté 2,7 milliards de dollars sur 100 ans.

3. L’ouverture partielle du marché

La hausse des taux, la progression de l’inflation, la guerre en Ukraine, le ralentissement de la croissance et les nombreuses incertitudes économiques ont fait reculer les investisseurs, qui ont été très nombreux à se débarrasser de leurs titres depuis le début de l’année.

Si la situation s’améliore progressivement, il faut toutefois se contenter d’une ouverture partielle du marché de la dette d’entreprises, avec des opérations sur seulement 3 jours de la semaine contre 4 à 5 jours de suite en temps normal.

C’est certes mieux qu’au mois d’avril, où l’on n’enregistrait des opérations qu’un jour par semaine, mais encore insuffisant. Ce phénomène s’explique par la prudence des émetteurs, qui sont nombreux à vouloir s’assurer de la stabilité du marché pendant 48 heures minimum avant de passer à l’action.

4. La prudence des investisseurs

Cette absence de visibilité incite les investisseurs à faire preuve de prudence. La hausse des taux peut se poursuivre, de même que l’écartement des spreads et la progression de l’inflation, ce qui amène les investisseurs à se détourner de certaines opérations.

Cette tendance à la temporisation est particulièrement présente sur le marché des high yield bonds, ces obligations à haut rendement et à haut risque, car émises par des entreprises ayant une note de crédit faible, égale ou inférieure à BB+.

5. Les conséquences du retrait de la Banque centrale européenne

La Banque centrale européenne a annoncé son intention de mettre fin cet été à l'Asset Purchase Programme (APP), un programme d’achat d’actifs qui a permis, depuis 2015, d’améliorer grandement les conditions de financement des entreprises.

 

Si la date précise d’arrêt de ce programme n’est pas encore fixée, elle devrait intervenir au 3ème trimestre 2022 et a déjà des conséquences sur le marché, notamment sur l’écartement des spreads.