Commerçant : la forte proximité d’un concurrent peut constituer un préjudice moral

Dans un arrêt du 5 juin, la Cour de cassation a précisé que l'installation d'un concurrent direct à proximité immédiate d'un commerçant peut constituer un préjudice. Un commerçant peut ainsi contester l'arrivée d'un concurrent s'il considère que cela lui cause un préjudice moral. Dans cette situation, le principe de loyauté dans l'exécution des contrats entre en jeu.

Un manquement à l’obligation de bonne foi et de loyauté

En l’espèce, M. [X] avait conclu avec la Française des Jeux (FDJ) un contrat d’agrément lui donnant droit, en qualité de mandataire, de commercialiser des jeux de grattage, de tirage et de paris sportifs dans son fonds de commerce de tabac-presse et loto. En 2015, la société FDJ a accordé un agrément à un hôtel-restaurant pour la commercialisation de jeux de grattage et de paris sportifs. L’établissement s’était installé en face du fonds de commerce de tabac-presse et loto.

M. [X] a assigné la société FDJ en responsabilité contractuelle, considérant qu’elle a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté.

Dans un premier temps, la cour d’appel a condamné la société ayant conclu les deux contrats d’agrément permettant la vente de jeux de grattage et de paris sportifs. Elle donne raison à M. [X], précisant que la société FDJ a consenti un agrément à une société située à « très grande proximité » du fonds de commerce de tabac-presse et loto.

En désaccord avec ce verdict et estimant que l’agrément avait été donné pour favoriser le dynamisme commercial de la ville, la société FDJ a formé un pourvoi en cassation.

Existence d’un préjudice moral

Dans cette affaire, le commerçant tenant la boutique de tabac, journaux, jeux et produits divers se plaignait que le mandat accordé par la société FDJ à l’hôtel-restaurant situé à quelques mètres constituait un préjudice moral. En effet, il indique avoir vécu dans l’incertitude de voir son commerce s’éteindre, ce qui s’est d’ailleurs produit par la suite puisqu’il a fini en liquidation.

De son côté, l’entreprise mise en cause invoque la liberté du commerce et affirme que la faillite du commerçant est liée à la diminution générale de sa clientèle et non à la concurrence locale sur quelques produits.

Dans un arrêt rendu le 5 juin 2024, la Cour de cassation a tranché en faveur du commerçant et écarté l’idée d’une exécution strictement littérale des termes du contrat. La juridiction rappelle que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et avec loyauté. Autrement dit, si l’installation d’un concurrent direct à quelques mètres n’était pas interdite par le contrat, l’attitude de la société FDJ ne pouvait être considérée comme loyale et a entraîné un préjudice moral pour le commerçant (la forte inquiétude quant à la pérennité de son commerce).

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la Cour de cassation a rejeté la demande formée par la société FDJ et l’a condamnée à verser sur le compte professionnel du commerçant la somme de 3000 euros.