La fraude au compte personnel de formation (CPF) est estimée à 43 millions d’euros par Tracfin, le service de renseignement du ministère de l'Économie. La Caisse des Dépôts (CDC), qui est en charge de ce dispositif, a décidé de traquer les arnaques en s’attaquant notamment aux fausses formations à la création ou à la reprise d’entreprise.
Des formations douteuses ou inexistantes financées par le CPF
Le démarchage frauduleux dure depuis plus de 2 ans : les SMS et les appels téléphoniques poussant les gens à investir l’argent disponible sur leur CPF dans des formations douteuses ou inexistantes se multiplient, et rapportent aux escrocs des millions d’euros.
En septembre, une société a pour la première fois été condamnée pour fraude au CPF par un tribunal du Pas-de-Calais. L’entreprise Happy Form, qui a détourné 3 millions d’euros de chiffre d’affaires et 330 000 euros de dividendes, ainsi qu’une voiture de luxe et des achats immobiliers, vendait aux titulaires d’un CPF de fausses formations en bureautique.
Les victimes étaient appâtées par des bons d’achat, des ordinateurs ou des smartphones en échange de l’utilisation de leur CPF, et recevaient en retour une simple clé USB facturée entre 900 et 1800 euros à la Caisse des Dépôts. Au total, 1600 personnes se sont inscrites à cette formation frauduleuse.
La Caisse des Dépôts a identifié et porté plainte contre une quarantaine de sociétés suspectes, et s’intéresse notamment aux offres de formation à la création ou la reprise d’entreprise, pour lesquelles il existe une forte demande. Entre le 1er janvier et le 2 octobre 2022, 267 000 sessions de formation dans ce domaine ont été financées dans le cadre du CPF, pour un montant total de 429 millions d'euros.
Une vaste opération de déréférencement
Parmi ces formations, nombre d’entre elles se sont avérées soit frauduleuses, soit non conformes. Le préjudice est d’ores et déjà estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros, selon Michel Yahiel, le directeur des politiques sociales de la Caisse des Dépôts.
L’institution a donc lancé une vaste campagne de déréférencement pour faire le tri dans ces formations. La moitié des 3828 organismes proposant des formations à la création ou à la reprise d’entreprise ont été bannis pour une durée de 9 mois, et un peu moins d’un tiers pour une durée de 3 mois. Par ailleurs, seules les formations transversales à la direction d’entreprise, à la comptabilité ou aux ressources humaines peuvent désormais prétendre être labellisées.
Pour le collectif Cap'Créa, qui regroupe divers organismes d’aide à la création d’entreprise, comme l’Adie, Initiative France ou BGE, la solution n’est toutefois pas de couper le financement, mais de mieux contrôler le contenu des formations.
Si la fraude aux formations à la création ou à la reprise d’entreprise représente le préjudice le plus élevé, d’autres domaines sont ciblés par les escrocs et surveillés par la Caisse des Dépôts, comme les préparations au certificat Voltaire pour l’orthographe, ou les formations en langues étrangères.
Plus généralement, le durcissement des conditions pour obtenir une habilitation semble efficace, puisqu’il y a à ce jour près de 2 fois moins de certifications éligibles au CPF qu’il y a un an. Elles ne sont plus que 3427, contre 6050 fin 2021.