Dans un arrêt du 1er juin, la Cour de cassation rappelle que le règlement général sur la protection des données (RGPD) ne peut être opposé de façon absolue à une demande de transmission des données personnelles. Retour sur les limites de ce droit avec cette décision.
Démontrer l’existence d’une inégalité de traitement
En l’espèce, une trentaine de salariés d’une société, exerçant des mandats de représentants du personnel et soutenant faire l’objet d’une discrimination en raison de leurs activités syndicales, avaient saisi la formation des référés de la juridiction prud’hommale, afin d’obtenir des informations permettant d’évaluer leur situation au regard de celle des autres salariés placés dans une situation comparable.
Ceux-ci ordonnaient notamment à la société de communiquer les noms, prénoms, sexe, date de naissance, âge et date d’entrée de chacune des personnes embauchées sur le même site la même année, dans les deux années précédentes ou suivantes. Parmi les documents exigés figuraient les bulletins de paie de décembre de chaque année depuis l’embauche des salariés concernés et le dernier bulletin de salaire. Les informations demandées portaient sur des personnes appartenant à la même catégorie professionnelle, au même niveau ou à un niveau proche de qualification/classification et de coefficient.
Dans un premier temps, la juridiction prud’hommale et la cour d’appel ont fait droit à la demande des salariés en ordonnant à la société de communiquer, sous astreinte, les documents et informations personnelles relatives aux salariés embauchés à la même période que les demandeurs. Mais l’employeur a contesté cette décision en formant un pourvoi devant la Cour de cassation. Il considère que la transmission des données personnelles figurant dans les bulletins de salaire n’est pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination mise en cause.
Un accès facilité aux bulletins de paie
Estimant que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas absolu et doit être apprécié par rapport à sa fonction dans la société, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l’employeur. Elle précise que la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle peut être justifiée dès lors qu’elle apparaît indispensable à l’exercice du droit de la preuve et que l’atteinte portée est proportionnée au but poursuivi.
Par conséquent, par son arrêt du 1er juin 2023, la Cour de cassation confirme les raisonnements de la juridiction prud’hommale et de la cour d’appel. Elle confirme que la communication des données personnelles des salariés actuels et des anciens collaborateurs était indispensable à l’exercice du droit de la preuve et proportionnée à la requête des salariés demandeurs qui se disent victimes d’une discrimination.
L’accès aux bulletins de paie est aujourd’hui facilité au nom du droit de la preuve. La décision de la Cour peut néanmoins sembler surprenante dans la mesure où le RGPD privilégie la protection des données personnelles des salariés. Un arrêt du 7 novembre 2018, dans lequel la chambre sociale de la Cour de cassation avait considéré que la communication par l’employeur des bulletins de paie de salariés sans leur accord préalable constituait une atteinte à leur vie privée, avait été rendu en ce sens.
⚖️Le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu https://t.co/qrEiKh5aVg
— Cedef documentation (@DocCedef) October 12, 2023
Le règlement général sur la protection des données (RGPD) ne peut être opposé de façon absolue à une demande de communication de données personnelles...