Alors que les crises d’approvisionnement se succèdent sans laisser de répit aux entreprises, le rôle joué par les responsables des achats est plus que jamais stratégique. Entre inflation et pénuries, les négociations des acheteurs avec les fournisseurs s’avèrent aussi indispensables que délicates.
Des augmentations de prix souvent injustifiées
Depuis plusieurs années, les crises d’approvisionnement successives placent les responsables des achats face à des défis inédits. Dès le début de la pandémie de Covid-19, les entreprises ont dû composer avec les pénuries de matières premières et de composants électroniques, l’explosion des tarifs du fret maritime et les différents confinements. Aujourd’hui, elles sont confrontées aux conséquences de la guerre en Ukraine, de la crise énergétique à l’inflation galopante.
Dans ce contexte tendu, la profession d’acheteur joue un rôle crucial pour les entreprises, qui ne sont plus en position de force face aux fournisseurs. La hausse des prix entraîne des négociations serrées, d’autant que ces augmentations sont loin d’être toujours justifiées.
D’après une récente étude commanditée par le Conseil national des achats et réalisée par le cabinet de conseil AgileBuyer, l’inflation pousse 87 % des directions achats à renégocier leurs contrats, et 81 % disent avoir affaire à des « fournisseurs profiteurs », qui se servent de l’inflation pour augmenter leurs tarifs sans explication rationnelle. Les acheteurs doivent également veiller à ce que les hausses de prix ne soient pas contraires aux conditions contractuelles.
Les pénuries inversent le rapport de force acheteurs fournisseurs
À ces difficultés, s’ajoute un paramètre qui vient encore compliquer la situation : les pénuries. Même si elles sont moins importantes que l’an dernier, 59 % des directions achats prévoient malgré tout d’y être confrontées en 2023, soit une baisse de 9 points sur un an.
Le contexte de pénurie donne l’avantage aux fournisseurs, qui peuvent plus facilement imposer leurs hausses de prix faute de solution alternative pour les entreprises. C’est particulièrement vrai dans les secteurs de l’automobile, de l’industrie lourde et de la santé-pharmacie.
D’autant qu’un nouveau risque a fait son apparition : la menace d’une invasion de Taïwan par la Chine. 26 % des directions achats ont prévu un plan d'achats spécifique si cette menace se concrétisait. Elle aurait des conséquences majeures, notamment dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de la défense, Taïwan étant un des premiers fournisseurs mondiaux de composants électroniques.
Pour sécuriser les approvisionnements, de plus en plus de directions achats prévoient de relocaliser certains achats en France ou en Europe. 49 % ont déclaré vouloir le faire dès 2023, pour éviter les pénuries mais aussi pour réduire leur empreinte carbone. Cette part grimpe à 74 % dans le secteur de l’automobile, et à 83 % dans celui de la mode luxe.
Malgré ces stratégies, les acheteurs constatent que les fournisseurs ont désormais l’avantage. 82 % des directions achats sondées estiment que la relation avec les fournisseurs leur est défavorable, contre seulement 39 % en 2021.
Enfin, la crise énergétique a amené les directions financières à transférer aux directions des achats la gestion des contrats d’énergie. L’étude du cabinet AgileBuyer révèle que la couverture des entreprises sur leurs contrats d’électricité et de gaz est insuffisante, avec 68 % des directions achats couvertes à hauteur d’au moins la moitié de leur consommation.