Face au durcissement des réglementations nationales sur les émissions de CO2, les grandes entreprises se disent prêtes à mettre en place un prix interne du carbone compris entre 30 et 150 euros la tonne, un montant qui leur permettrait de basculer vers des investissements verts.
Réchauffement climatique : le seuil de 1,5 °C franchi dès 2030
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié en août dernier la première partie de son rapport « AR6 Climate Change 2021 : The Physical Science Basis », dédié aux connaissances scientifiques des systèmes climatiques et du changement climatique. Les prévisions sont très pessimistes et accablantes. En effet, le rapport anticipe une hausse de la température de la planète de 1,5 °C dès 2030, soit 10 ans plus tôt que la dernière prévision. Parmi les cinq scénarios étudiés par le GIEC, le plus pessimiste prévoit un réchauffement climatique compris entre 3,3 et 5,7 °C.
Selon plusieurs experts, chaque citoyen peut agir à son échelle pour tenter de réduire son empreinte carbone. Toutefois, le plus gros du travail sera à faire au niveau des industries les plus polluantes. Dans un rapport publié en 2018, le GIEC chiffrait à 2 400 milliards de dollars par an et jusqu’en 2035 l’investissement nécessaire pour freiner le dérèglement climatique. Poussées par les investisseurs, certaines entreprises se sont engagées à contribuer à l’effort global de lutte contre ce fléau.
Mise en place d’un prix interne du carbone
Les entreprises ont décidé de participer au règlement de la facture astronomique du changement climatique en achetant des quotas d’émissions de CO2. Mais face à ce système qui peine à faire ses preuves en Europe, plusieurs ont adopté une autre démarche 100 % volontaire qui consiste à fixer un prix sur ses propres rejets. Questionnées sur le sujet par l’Institut Montaigne dans le cadre d’une récente étude publiée en novembre 2021 « Prix interne du carbone : une solution qui tombe à pic pour les entreprises ? », les entreprises se disent prêtes à instaurer un prix interne du carbone allant de 30 à 150 euros la tonne.
Une autre étude de l’ONG internationale CDP révèle qu’en 2017, 782 entreprises assuraient vouloir recourir à ce système et 607 indiquaient avoir déjà franchi le pas, soit 8 fois plus qu’en 2013. Aujourd’hui, 2 000 entreprises dans le monde souhaitent le mettre en œuvre si elles ne l’ont pas déjà fait.
Ces initiatives qui se multiplient s’expliquent par le fait que les investisseurs prêtent de plus en plus attention aux conséquences financières du risque lié au changement climatique et contribuent à ouvrir les yeux aux entreprises, notamment aux grands groupes internationaux. Ce mécanisme permet aussi aux acteurs de s’adapter aux réglementations et tarifications du carbone applicables dans les pays où ils opèrent puisqu’aujourd’hui, près d’un quart des émissions mondiales de CO2 sont couvertes par un prix explicite du carbone (taxe carbone ou marché de quotas) institué par un État, une ville, une province ou région. Malgré cela, fixer un prix interne du carbone n’est pas sans risque pour les entreprises qui peuvent voir, à terme, la rentabilité financière de leurs investissements impactée.